samedi 27 septembre 2008

Communication de Jean-Philippe Fons

Démocratie parlementaire et participation en Grande-Bretagne : un nouveau rôle pour le citoyen ?

Cette contribution propose d’étudier les modes de gouvernance dans la Grande Bretagne contemporaine (depuis 1997). Il s’agira notamment de redéfinir la place et le rôle de l’État dans la régulation sociale et économique.

Pour nous, la mise en place de l’État-providence au lendemain de la Seconde Guerre a permis aux anglais de s'identifier à de nouvelles valeurs sociales communes : se sont ainsi fait jour des valeurs identitaires fortes. La remise en question de l'État et des formes nouvelles de,partenariats (PPP, PFI) ont remis en cause les principes fondamentaux au coeur de la mission de service public (notamment le principe de leur propriété publique ou encore le principe de la gratuité du service de santé publique). Les débats sur l’identité nationale et la « britannicité » ne sont, d’ailleurs, pas très éloignés. A l’extrême, comme le souligne Philippe Marlière, « le cas [précis] de la PFI souligne à l'envi les dysfonctionnements et les problèmes créés par un État dont on a rogné progressivement les prérogatives et les marges de manoeuvre financières. La PFI montre les dangers de la cession de services publics à des entreprises privées et de leur soumission aux lois du marché ».

L’atténuation de cette identité nationale « collectiviste » (qui prenait tout son sens et s’exprimait dans et à travers l’État-providence) s’est poursuivie avec la quête insatiable des britanniques de leur satisfaction individuelle (une logique soutenue par la rhétorique de l’empowerment). Les nouvelles formes individualisées de participation à l’action collective de la société britannique contrastent avec la période collectiviste où l’appartenance à un syndicat était la norme et où l’engagement s’appuyait sur un fort sentiment d’action collective et de solidarité.

Cela ne signifie pas pour autant que les citoyens de sa Majesté ont tiré un trait sur les notions de justice sociale, d’égalité des chances ou de solidarité. Ainsi, le montant des dons aux associations témoigne-t-il à lui seul de l’attachement des britanniques à l’équité sociale (même s’il est vrai que la législation votée sous le New Labour, et notamment les avantages fiscaux concédés aux donateurs, peuvent expliquer et justifier l’importance des dons d’argent).

En dernière analyse, les mutations des logiques de gouvernance socioéconomique (et, par là, les transformations des contours d’une identité britannique) ont suivi la redéfinition des finalités de l’État, et rejoignent très largement l’analyse de Durkheim. La société en tant qu’agrégat d’individus ne recherche que le développement de ses membres (outre Manche cela passe entre autres par une forte individualisation des services autrefois universalistes). Toujours selon Durkheim, l’État ne serait alors que là pour veiller au maintien de leurs droits individuels (en diversifiant l’offre, ou en permettant aux usagers de choisir).

La nouvelle gouvernance de l’action publique est donc à la fois impulsée par les usagers (user-led, citizen governance) et dictée par un gouvernement central dont la principale attribution a évolué entre 1997 et 2007 : État « accommodant » ou caméléon (adaptative) dans un premier temps ; État facilitateur ou cristallisateur par la suite (collaborative). Ces profondes altérations se rapprochent en tout état de cause du concept de self fulfillment propre à l’éthique protestante.

L’égoïsme du citoyen consommateur et sa recherche de la satisfaction individuelle ont nourri l’action publique telle que conduite par le New Labour – une action publique qui repose sur l’enrôlement, la mobilisation des citoyens et des communautés locales [et] des associations. L’État remplit au fond sa mission première et son action est en parfaite adéquation avec l’interprétation wébérienne : par la force et sous la contrainte, le New Labour a peut-être permis une démocratisation de l’action publique en associant à l’élaboration et à la conduite des politiques groupes d’intérêts, représentants de minorités, acteurs de la société civile, etc. Cette nouvelle gouvernance britannique (qui, encore une fois, est caractéristique d’une dimension identitaire forte) semblerait ainsi s’appuyer sur un modèle de société au confluent de la « démocratie participative » et de la société de marché, telle que définie par Karl Polanyi au début des années 1980 : une société au sein de laquelle les principes de l’économie de marché guident et motivent les comportements des acteurs et des individus, chacun oeuvrant pour sa propre satisfaction et contribuant, dans une certaine mesure, au bien-être de tous.

Jean-Philippe Fons, MCF – Université Européenne de Bretagne

Aucun commentaire: