jeudi 25 septembre 2008

Communication de Corinne Nativel

Les coalitions pour des salaires et logements décents à Londres : Deux études de cas (London Citizens et London Coalition Against Poverty)

Résumé :

La double contrainte du retour à l’emploi (le « workfare ») et du « travail payant » (le «make work pay ») constitue l’une des grandes fiertés du New Labour. Afin d’éradiquer le chômage et de promouvoir des niveaux records de participation sur le marché du travail, le gouvernement a savamment imbriqué contraintes et incitations, ces dernières ayant pris la forme d’un salaire minimum (National Minimum Wage – NMW) instauré en 1999 et de crédits d’impôt divers tels que le Child Credit ou le Working Tax Credit. Et pourtant, en dépit de ces dispositifs d’aide au revenu, au cours de ces dix dernières années, la condition des travailleurs pauvres ne s’est guère améliorée. En particulier dans la capitale, pourvoyeuse d’emplois à basse valeur ajoutée et marqués par une forte pénibilité (services à la personne, nettoyage, restauration, bâtiment, etc.), l’écart entre les salaires perçus par la main d’œuvre non-qualifiée et les prix exorbitants du logement ont exacerbé les inégalités spatiales et entraîné une paupérisation alarmante.

Alors que les cadres et l’élite dirigeante voient leurs salaires rehaussés de primes annuelles (London weighting) et que la condition des travailleurs du secteur public retient depuis peu l’attention des pouvoirs publics en proie à la crainte d’un « key workers drain », les working poor sont écartés du champ de l’action gouvernementale. Rémunérés à l’heure ou à la semaine, cumulant souvent des emplois pour joindre les deux bouts, leur capacité de mobilisation est réduite ainsi que le montre habilement la journaliste Polly Toynbee dans son ouvrage d’investigation « Hard Work : Life in Low-Pay Britain » (2003). Face à ces enjeux démocratiques, les acteurs de la société civile s’organisent et adoptent de nouvelles formes de représentation pour porter les revendications des travailleurs et relancer la machine démocratique.

Nous examinerons à travers deux études de cas, les modalités d’action sur lesquelles s’appuient ces campagnes, les registres de justification invoqués et leur impact. Nous nous intéresserons principalement à l’une des plus notoires, la campagne pour un salaire décent (London Living Wage campaign). Celle-ci représente une revendication « localisée » se distinguant non seulement des dispositifs nationaux de « make work pay » mais aussi du revenu de citoyenneté ou revenu d’existence (basic income) incompatible avec l’idéologie du workfare dans laquelle baigne la société britannique. La campagne pour un salaire décent est issue d’une plateforme entre une quarantaine d’organisations de la société civile des quartiers de l’est de Londres (the East London Communities Organisation - TELCO), une coalition que les britanniques désignent sous l’appellation « Broad-Based Organisation » (BBO) s’est amplifié pour devenir London Citizens ; London Citizens réunit à présent 83 organisations à travers Londres. La campagne a aboutit en 2005 à un accord de principe par l’ancien maire de Londres, Ken Livingstone, en vue de l’adoption d’un taux horaire de ₤6.70. La municipalité du Grand Londres s’est engagée à l’appliquer pour les contrats des personnels vacataires lors des Jeux Olympiques de 2012 et le nouveau maire, Boris Johnson a réitéré son soutien.

Pour nous permettre de mieux comprendre dans quelle mesure London Citizens ancre son action dans une démocratie délibérative, nous ferons appel à un deuxième exemple, celui d’un mouvement formé à Hackney en 2007, la London Coalition against Poverty qui milite également en faveur de salaires et de logements décents mais en faisant appel au registre de l’action directe à plus petite échelle.

Corinne Nativel, Université de Franche-Comté, Besançon

Contact : cnativel@club-internet.fr

Aucun commentaire: